16°étape : Carcassonne-Bagnères-de-Luchon

papyvelo Jeu 26 Juil - 9:09

La mère Carcasse sonne le départ. Tentatives d’échappées vite réprimées. Nous frôlons Mirepoix. Une année, alors que nous étions dans la région, nous avions participé à la fête du village au cours de laquelle on faisait rôtir à la broche…non pas un mouton, ni un cochon, mais un bœuf. Imaginez la taille de la broche et le nombre d’invités ! Enfin, une échappée s’organise. Alaphilippe en fait partie avec Warren Barguil sur le porte-bagage. L’hélico survole la carrière de talc de Luzenac. Alors que nous avions installé notre caravane à Tarascon, non pas le Tarascon de Tartarin, mais Tarascon-sur-Ariège, j’avais vu, sur la route d’Ax-les-Thermes, cette carrière toute blanche qui se détachait sur le vert de la végétation. J’avais monté la route en lacets qui y menait. La réverbération du soleil sur tout ce blanc accentuait la chaleur ambiante. Finalement, mes pneus tout blancs se sont retrouvés face à une grille fermée derrière laquelle quelques ouvriers me regardaient d’un œil perplexe. Je n’ai rien vu de plus.
En revanche, lors de mon séjour j’ai pu apprécier la beauté des paysages ariégeois. De Tarascon partent de nombreuses randonnées pédestres à travers la montagne verdoyante. Je me souviens, entre autres, de la marche qui montait au Pic des Trois Seigneurs et au lac d’Arbu. Nombreux, aussi, les cols que j’ai grimpés dans les environs : col du Chioula, col de Pradel, mais mon préféré c’est le Port de Lers que l’on monte par une petite route étroite, le long de laquelle glougloute un petit ruisseau. Les habitations sont rares. Au sommet on débouche sur un plateau découvert où paissent des moutons.
Cette région, que Chantal et René connaissent bien, recèle beaucoup d’autres curiosités, château de Foix, grotte de Niaux, grotte du Mas d’Azil… Voilà le peloton qui y passe, nous approchons de St Girons que je connais bien. Tiens, voici l’ancienne usine JOB où l’on fabriquait le papier à cigarettes, et maintenant la propriété de mon copain Noël. Ceux qui ont lu mon livre se souviennent sans doute que dans le chapitre « Algérie » j’évoquais l’arrivée, en janvier 1959, du contingent suivant le nôtre. Celui qui devait devenir mon copain en faisait partie. Il ne passait pas inaperçu : un colosse de près de deux mètres, plus de cent kilos, sélectionné équipe de France C de rugby, accent rocailleux du sud-ouest. Nous nous étions promis de nous revoir dans le civil. Deux ans après ma libération, jeunes mariés, Eveline et moi sommes allés leur rendre visite. Il venait aussi de se marier et vivait chez ses beaux-parents, une ferme au milieu d’une grande propriété. Nous avions installé notre tente dans leur pré malgré leur insistance pour dormir chez eux. C’était il y a longtemps, en 1963, mais je revois encore le pépé endormi, au frais, dans le cantou, Nicole découpant d’épaisses tranches dans le jambon suspendu aux poutres, du papa partant aux champs sur sa charrette tirée par deux bœufs et du battage du blé avec tous les fermiers avoisinants venus à la rescousse. A lui seul, Noël abattait le travail de trois hommes. Une grande tablée, dans la cour, nous réunissait tous. Les femmes n’allaient pas assez vite pour distribuer viande, saucissons, jambon, rillettes et graillons. Maintenant, Noël est un vieillard, amaigri, parcourant difficilement le périmètre de sa maison. Me reviennent en mémoire les paroles de la complainte de Rutebœuf :
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Les échappés traversent déjà le Salat qui sépare St Girons en deux. Ils entament le Portet d’Aspet que j’ai monté lors d’un séjour chez Nicole et Noël.
Puis le col de Menté et la victoire d’Alaphilippe à Bagnères.