Vieillir c'est renoncer (5)

papyvelo Ven 14 Juin - 7:52

Saison 2, épisode 1

Dentiste de charme

D'une voix chaude, douce, suave,
Elle me propose son fauteuil.
Fesse tremblante, lèvre qui bave,
J'en ai déjà la larme à l'oeil.
Admirez couronnes et dentiers,
Qui se pâment d'aise sur ce rayon.
Là, en bas, je vais vous détartrer
Et vous rendre un sourire "canon".

Elles n’étaient pas très jolies, cependant je tenais à elles, mais, apparemment, elles ne tiennent plus à moi. De nos jours, les orthodontistes disposent de divers procédés pour rectifier l’ordonnancement de tes dents ou te donner un sourire hollywoodien. Tu veux des dents blanches ? rince-toi la bouche chaque jour avec un mélange de 5 gouttes d’huile d’arbre à thé dans un demi-verre d’eau. Tu parles qu’en 1942, quand on avait du mal à trouver un peu de beurre à étaler sur notre pain de son, trouver de l’huile d’arbre à thé … tu m’as compris. On savait même pas que ça pouvait exister. Alors tes dents, elles faisaient comme toi, elles poussaient comme elles pouvaient. On s’en foutait, on n’avait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Ne parlons pas du dentifrice, on ne connaissait même pas son existence. Tant mieux, le soir il n’y avait pas de : « Vas te brosser les dents ! ».
En Algérie j’ai essayé d’imiter des africains au sourire Omar Sy qui mâchonnaient une tige de je ne sais plus quel arbre pour se nettoyer et blanchir les dents. Il était sans doute trop tard car je n’ai pas perçu d’amélioration.
Dernièrement, en fait, en comptant bien, cela fait trois bonnes années, mon dentiste me disait : « Vos gencives s’affaissent, vos racines sont fragilisées, il va falloir penser à … ».
Renoncer à mes dents ? Va-t-il falloir y renoncer ? Ma petite canine de droite me donne encore entière satisfaction, elle arrache encore son entrecôte comme une grande, mes molaires là-bas tout au fond, elles concassent encore convenablement les cacahuètes qui accompagnent ma petite Leffe, quant à mes incisives elles laissent encore deux petites empreintes dans les pommes que je croque. Ma mère me disait souvent : « Tu sais , min tchiot, garde tes dints l’plus longtemps possib’, parce qu’un râtelier cha vaut pas tripette. »
Alors, accrochez-vous, mes p’tites quenottes, je ne vous laisserai pas tomber.