Avec eux, il parle vélos... mais pas seulement !

L'Art de perdre Alice Zeniter chez Flammarion
Fresque romanesque dans laquelle Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l'Algérie, des générations successives d'une famille dont le grand-père Ali est arrivé en France à l'été 1962. Ali, montagnard kabyle, était un héros de la guerre 39-45 : pourquoi l'histoire a -t-elle fait de lui un « harki » ?
Comment, au delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales peut s'exprimer la liberté d'être soi ?

Extrait (non représentatif) de ce très bon roman, prix Goncourt des jeunes lyceens.

D'une bourrade, Hamid expédie au loin ses deux copains hilares. Leur amitié est une chose nouvelle pour lui parce que ce ne sont pas des gamins du Pont-Féron. Gilles est fils de paysan, il vit à la campagne dans une ferme pleine de vaches et de pommes qui semble être à Hamid la réplique paisible et grasse des territoires de la crête avec leurs chèvres et leurs oliviers. François est le fils du pharmacien, il habite l'une des maisons de maître du centre-ville, grande comme une barre d'immeuble ou presque. Ils sont devenus amis par hasard : comme ils étaient côte à côte, le professeur d'histoire leur a donné un exposé commun sur l'invention de l'imprimerie. Pendant qu'ils travaillaient, Hamid n'a pas pu s'empêcher de faire remarquer à François qu'il portait le prénom d'un des héros du Club des cinq.

Je sais, a répondu l'autre, le plus chiant de tous.

Ils ont ri tous les trois,surtout Hamid qui ne se risque jamais à prononcer un gros mot.

Et toi, ton nom, a demandé Gilles, il veut dire un truc ?

Nan, a répondu Hamid, c'est juste mon nom.

Avec eux, il parle vélos (c'est-à-dire qu'ils rêvent de mobylettes) comics (ils aiment les histoires
qui exaltent les bandes : Les Quatres fantastiques, X-men et les Vengeurs), cinéma (Batman, Jesse James contre Frankenstein, toute une flopée de westerns qui les fait passer leurs pouces dans la ceinture et marcher d'un pas trainant), filles (s'ils s'en désintéressent c'est qu'aucune d'elle ne ressemble à Anjanette Comer ; l'actrice brune de L'homme de la Sierra).